Ecrit par Laurence Chappuis, psychologue du sport et psychothérapeute FSP, préparatrice mentale
Qu’est-ce que le discours interne et quels sont les objectifs visés ?
Le discours interne est une technique qui consiste, pour un sportif, à produire des verbalisations qui lui sont destinées personnellement. Nous pouvons parler d’un échange de pensées avec soi-même. Dès que la personne pense, elle produit un début de dialogue interne. Puis elle le met en mots sous la forme, le plus souvent, d’une petite voix intérieure ; parfois ces verbalisations peuvent aussi être dites à voix haute, notamment sous la forme d’un bref «come on» ou «allez» ou «go», etc. Ces mots d’encouragements ou ces messages techniques sont d’une importance capitale pour rester dans la course, garder sa motivation, être efficace et se reconcentrer après une erreur notamment.
Le discours interne a pour objectif d’augmenter la performance sportive, ceci en ayant une influence sur l’aspect technique si le message concerne la discipline sportive (ex : «j’appuie sur ma jambe extérieure») mais également sur la motivation (ex : «continue»), sur la gestion du stress (ex : «respire calmement»), sur la confiance en soi (ex : «je suis capable d’aller jusqu’au bout») et pour gérer ses émotions. Bühler (2012) explique que le discours interne positif est une consigne qui donne une direction et une intensité à l’action. Ceci a une très grande importance puisque, lorsque le sportif a besoin de ce discours, il est en général dans un moment où il est perturbé et doit rapidement retrouver où aller, comment et avec quelle énergie. Lorsque cette technique a été bien travaillée, le sportif peut compter sur cette stratégie un peu comme s’il recevait une bouée de sauvetage dans un moment de détresse ou d’inconfort.
Cette stratégie est évidemment également utilisée tout au long de la pratique sportive puisque les monologues intérieurs sont présents dès que l’on pense et que nous pensons tout au long de la journée. Rappelons-nous que nous avons environ 80’000 pensées par jour, ce qui laisse de multiples occasions d’avoir des monologues ; ceux-ci pouvant être aussi bien positifs et aidants que négatifs et perturbants.
Mes discours internes favorisent-ils ma performance?
Il est très important de questionner l’influence des discours internes sur la performance. La question-clé est: ce discours interne est-il favorable au développement de ma performance? En vous posant la question ainsi, vous pouvez prendre conscience de vos discours internes, positifs ou négatifs, évaluer s’ils sont constructifs ou non et quelles influences ils peuvent avoir sur la performance. Si vous évaluez que l’impact peut être négatif, il faudra vous mettre au travail pour construire des discours internes positifs.
Voici quelques exemples de moments propices au développement de discours interne négatif : le joueur de tennis mené au score qui se dit qu’il n’arrivera plus à revenir ; le gardien qui vient d’encaisser un but et se trouve inefficace ou le coureur à pied qui se dit que la victoire n’est plus accessible puisqu’il s’est fait doubler.
Ces situations sont fréquentes en sport et le mental est un champion pour créer des messages négatifs lorsqu’il est stressé, émotionné, perturbé par une erreur technique et qu’on le laisse faire ! Il est donc important pour le sportif de travailler sur lui-même afin d’être capable de repérer ces messages négatifs ainsi que leurs déclencheurs pour switcher vers des messages positifs très rapidement. Le discours interne positif est une autorégulation dont le sportif va bénéficier pour gérer ses émotions, son stress, ses tensions ou tout état interne défavorable pour sa performance. Mais pour être efficace, il faut travailler ceci de manière assidue et, pour gagner encore en efficacité, il est judicieux de le faire avec un professionnel, tel un préparateur mental ou un psychologue du sport.
Comment construire un discours interne positif ?
Pour arriver à construire un discours interne positif, il faut travailler sur ses propres discours internes. Certaines personnes ont tendance à percevoir plus facilement des issues négatives. Il s’agit donc de repérer ces messages, de les analyser et de les transformer pour leur donner une issue positive. Il faut également s’entraîner ensuite à les utiliser lors des entraînements puis des compétitions.
Ces messages doivent répondre à certains « critères » pour favoriser la performance (voir notamment Bühler, 2012) :
– Être exprimé en «JE» et de façon positive : «je vais y arriver»
– Être personnalisé donc avoir du sens pour la personne en fonction de qui elle est (qualités – forces) et de son sport : «je sens que j’ai la force de remonter ces deux concurrents, je suis un excellent finisher».
– Permettre une action dans le présent ou le futur : «je m’accroche au concurrent qui est juste devant moi».
– Permettre de trouver une solution ou une porte de sortie : «je suis capable de mettre le prochain point et de gagner ce jeu».
Il est important de bien vous connaître en tant que sportif (qui suis-je en tant que sportif ? quelles sont mes réactions ?), de savoir de quoi vous êtes capable (quelles sont vos qualités et vos ressources) et de quoi vous avez besoin dans les moments difficiles.
Il est évidemment très important que ces auto-verbalisations soient en accord et adaptées au sportif et à sa réalité. Il ne s’agit en aucun cas de se donner des messages auxquels on ne croirait pas, empruntés à d’autres ou dont l’issue serait inaccessible. Les exemples donnés dans cet article pourraient donc vous paraître non adaptés et c’est normal, les discours internes sont personnels; chaque sportif doit donc travailler pour en bénéficier.
Qu’en est-il du côté de la recherche?
Relevons le fait qu’il n’est pas facile d’étudier le discours interne puisqu’il est « interne » et qu’il faut donc avoir accès aux pensées et aux paroles des sportifs. Toutefois nous savons que cette technique touche à différents thèmes tels que, la concentration, la gestion de l’anxiété et la confiance en soi qui ont été plus largement étudiés (voir Boudreault, Trottier & Provencher (2016)). Ces auteurs font aussi référence à la théorie des styles attentionnels de Nideffer (1976) dont nous avons parlés dans notre infographie sur les 4 modes de concentration. De plus, Latinjak & Hatzigeorgiadis (2020) vous révéleront, dans leur ouvrage récent, les “secrets” du discours interne issus des recherches effectuées.
Références utilisées et permettant d’aller plus loin :
Boudreault, V., Trottier, C. & Provencher, M. (2016). Discours interne en contexte sportif : synthèse critique des connaissances. Staps, 1(1), 43-64. https://doi.org/10.3917/sta.111.0043
Bühler, J. (2012). Player Development. Bases Psyché. Swiss Tennis Editions.
Latinjak, A.T., & Hatzigeorgiadis, A. (2020). Self-talk in Sport (1st ed.). Routledge. https://doi.org/10.4324/9780429460623
Nideffer, R. M. (1976). Test of attentional and interpersonal style. Journal of Personality and Social Psychology, 34, 394-404.
Comments